Plus-values de résidents belges sur des parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière : le Conseil d’État sonne le tocsin.
Publié le :
08/07/2020
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Dans une décision inédite et, pour le moins, déroutante, le Conseil d’État a jugé que les plus-values réalisées par un résident belge, à l’occasion de la cession de parts d’une société civile à prépondérance immobilière établie en France, doivent être soumises à l’impôt sur les plus-values immobilières en France[1]. Les sociétés civiles à prépondérance immobilière sont, schématiquement, celles dont l’actif est composé majoritairement d’immeubles ou de droits immobiliers.
Contexte
Les faits à l’origine de cette décision sont relativement simples. Un résident belge cède les titres d’une société civile immobilière (SCI) française. Il ne souscrit pas, en France, de déclaration de plus-value immobilière. L’administration fiscale procède à une rectification estimant que la plus-value était imposable en France.
Pour asseoir sa rectification, l‘administration fiscale française s’appuie, en dehors du droit interne, sur l’article 3 de la convention franco-belge ainsi que sur le protocole additionnel à cette convention.
L’article 3 de cette convention relative aux biens immobiliers énonce, de manière classique, que les revenus et les bénéfices résultant de l’aliénation de biens immobiliers ne sont imposables que dans l’État de situation des immeubles. Le paragraphe 2 rappelle, là également de manière classique, que la notion de bien immobilier se détermine d’après les lois de l’État, c’est-à-dire, au cas d’espèce, en France.
Le protocole additionnel précise, quant à lui, que la convention ne s’oppose pas à ce que la France considère comme des biens immobiliers les parts de sociétés visées à l’article 1655 ter du Code général des impôts (CGI), c’est-à-dire, les sociétés de copropriété.
Pour l’administration, cette précision est imprécise ! Elle comporte donc des sous-entendus : le protocole dit d’autres choses qu’il n’a pas énoncées.
L’administration fiscale se propose d’expliciter ces sous-entendus en renvoyant à ses propres commentaires. Ceux-ci énoncent que le protocole additionnel à la convention franco-belge n’a pas un caractère limitatif et l’autorise donc à considérer que le même caractère immobilier doit être reconnu aux titres détenus dans toutes sociétés à prépondérance immobilière non visées par l’article 1655 ter du CGI[2]. Quelle était l’utilité du protocole alors sur ce point ?
Le contribuable belge attaque ces commentaires par la voie d’un recours pour excès de pouvoir (REP). Il estime qu’en adoptant une telle interprétation, l’administration fiscale étend la portée de la convention, ce dont elle n’a pas la légitimité.
Question soulevée
La question qui se posait était alors de savoir si les parts d’une société civile à prépondérance immobilière constituent des biens immobiliers.
Réponse du Conseil d’État
Le Conseil d’État répond par l’affirmative : « La loi fiscale assimile (…) à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière (…) ».
Selon la haute juridiction administrative, la loi fiscale qui procède à une telle assimilation est l'article 244 bis A du CGI.
Critiques
Cette position du Conseil d’État est très discutable.
La loi fiscale à laquelle fait référence le Conseil d’État ne donne pas une définition des biens immobiliers. L’article 244 bis A du CGI prévoit, en effet, simplement un régime d’imposition distinct des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents.
Nous comprenons bien la nuance du Conseil d’État d’énoncer non pas : « la loi fiscale considère comme biens immobiliers », mais « la loi fiscale assimile à des biens immobiliers » mais cette nuance n’est guère convaincante. L’article 3, paragraphe 2 précité de la convention franco-belge stipule clairement que la notion de bien immobilier se détermine selon les lois de l’État ; or, en France, aucune disposition légale ne prévoit que les parts d’une société civile à prépondérance immobilière constituent des biens immobiliers.
Par ailleurs, cette décision s’inscrit à contre-courant de la jurisprudence judiciaire et même de la jurisprudence constitutionnelle.
En 2015, la Cour de cassation a rappelé que les parts d’une société civile immobilière monégasque doivent être traités comme des biens mobiliers et ne sont donc pas taxables aux droits de succession en France (Cass. Ass. plén., 2 octobre 2015, n° 14-14.256).
Plus récemment, le Conseil constitutionnel a jugé que les parts d’une SCI ne pouvaient bénéficier de l’abattement de 30% sur la valeur de la résidence principale, au titre du calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune, contrairement aux parts de sociétés civiles transparentes visées à l’article 1655 ter du CGI. En écartant le grief de rupture d’égalité devant les charges publiques, les juges de la rue Montpensier ont alors rappelé que les parts d’une SCI ne se confondent pas avec les biens immobiliers détenus par celle-ci (DC 17 janvier 2020, n° 2019-820 QPC, Époux K.).
Il est difficile donc de concevoir, dans ce contexte, que les parts d’une SCI puissent être considérées comme des biens immobiliers.
Perspectives
Quoi qu’il en soit, cette décision du Conseil d’État sonne comme une alerte pour les résidents belges ayant ou souhaitant réaliser des investissements dans des sociétés civiles immobilières en France.
Nous ne pouvons que recommander à ces résidents belges de bien ficeler leur projet d’acquisition de biens immobiliers en France en définissant clairement leurs objectifs à court et moyen terme :
- Acquisition-cession dans l’immédiat ;
- Cession future (ce qui peut influer sur le montant des abattements et réduire la plus-value taxable) ;
- Transmission par voie de donation ou de succession.
Le cabinet d'avocat fiscaliste à Épone, dans les Yvelines (78) vous accompagne dans le cadre de ces investissements partout en France.
Lien vers la décision du Conseil d'État : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000041705707&fastReqId=50544220&fastPos=1
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